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Pratiques culturelles pour les soins de santé : étude menée dans la Région Analamanga, Madagascar.

Cultural practices for health care, study carried out in Analamanga Region,
Madagascar.

RASOLOFONIRINA Renaud Harisoa 1 , 2 , RASOAMANANJARA JeanneAngelphine 2 ,
RAKOTONANDRASANA David Harimbola 2

1 Laboratoire Central Bilharziose / Ministère de la Santé Publique – Unité Parasitologie / Institut
Pasteur de MADAGASCAR
2 Ecole Doctorale Nutrition, Environnement, Santé- Université de Mahajanga- MADAGASCAR

Résumé
Cette étude avait pour objectif d’identifier les différents types de cultures pratiquées pour les
soins de santé et de définir la perception de la population sur cette thérapie. Méthode : Il
s’agit d’une étude descriptive transversale réalisée par une enquête socio anthropologique de
la santé et menée dans trois Districts de la Région Analamanga. La population d’étude était
constituée de 405 individus âgés de 18 ans ou plus, résidant au moins 15 ans dans le District.
Résultats : Quatre vingt cinq pour cent (85,4%) des répondants font les pratiques culturelles
que ce soit en exclusivité ou en parallèle avec la médecine moderne. Les principales pratiques
concernaient la pratique de la thérapie religieuse par 74,3% des répondants des Districts
d’étude, la consultation d’un tradithérapeute (53,1%), la pratique de l’automédication
effectuée par les 52,1% des sujets, l’utilisation des plantes médicinales par les 44,9% des
sujets, la pratique du tabou pour les soins de santé (32,6%) et l’utilisation des fétiches pour
18,5% de la population d’étude. Malgré ces pratiques culturelles dont certaines semblent ne
plus être appropriées à l’exercice des soins conventionnels, trois quarts de la population
(74,1%) affirment la nécessité de cet usage et près de la moitié (47,2%) trouve que cette
pratique est assimilable aux soins de santé par la médecine moderne. Conclusion : cette étude
prouve que les pratiques culturelles jouent encore un rôle important dans la vie des Malagasy
et que certains optent pour la thérapie culturelle, sans se soucier de l’incidence éventuelle.
Mots-clés : Culture – socio anthropologie – santé – thérapie – Madagascar

Abstract
The objective of this study was to identify the different types of crops practiced for health care
and to define the perception of the population on this cultural therapy. Method: This is a
descriptive cross-sectional study by a socio-anthropological survey of health and conducted
in three Districts of the Analamanga Region. The study population consisted of 405
individuals aged 18 or over, residing at least 15 years in the District. Results: As a result,
85.4% of the subjects practice cultural practices either exclusively or in parallel with modern
medicine. The main practices concern the practice of religious therapy by 74.3% of people in
the Study Districts, the consultation of a traditional therapist (53.1%), the practice of self-
medication carried out by 52.1% subjects, the use of medicinal plants by 44.9% of subjects,
the practice of taboo for health care (32.6%) and the use of fetishes for 18.5% of the
population. Despite these cultural practices, some of which seem no longer appropriate for
the exercise of conventional care, three quarters of the population (74.1%) affirm the need for
this use and nearly half (47.2%) find that this practice is assimilated to health care by modern
medicine. Conclusion: This study proves that cultural practices still play a significant role in
the lives of Malagasy people and that some opt for cultural therapy, without worrying about
the possible impact.
Keywords: Culture – socio anthropology – health – therapy – Madagascar


Comment citer cet article : Rasolofonirina R H, Rasoamananjara JA, Rakotonandrasana D H.Pratiques culturelles pour les soins de santé : étude menée dans la Région Analamanga, Madagascar. Revue Sc. Santé. 2023;3(5) :1-9.

I- INTRODUCTION
Dans le monde, pour des raisons culturelles, sociales, économiques et infrastructurelles, certains
individus défavorisés rencontrent des difficultés pour l’accès aux soins et aux médicaments
convenables pour la santé et sont par conséquent plus vulnérables aux maladies et à la mort
prématurée [1]. Les statistiques récentes sur la couverture sanitaire universelle montrent qu’au moins
la moitié de la population mondiale n’a toujours pas accès aux services de santé essentiels et que les
plus pauvres rencontrent des obstacles financiers pour accéder aux soins appropriés [2,3]. Pour
remédier à ce problème d’inaccessibilité aux soins conventionnels et dans la résolution de leurs
problèmes de santé, la population ou groupe de population a adopté des pratiques de soin et de
guérison à leur manière et vis-à-vis de leur culture. En guise d’exemple, dans certains pays en
développement, la culture incluant coutumes, croyances et certains procédés traditionnels est
pratiquée depuis longtemps afin de préserver la santé ou de prévenir et traiter les maladies. Ces
pratiques culturelles sont généralement acceptées et sollicitées par la population [4,5]. En outre,
l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a introduit un nouveau chapitre supplémentaire dans la
Classification Internationale des Maladies (CIM-11) qui entrait en vigueur en 2022. La CIM-11 permet,
pour la première fois, de comptabiliser les consultations de médecine traditionnelle [6].

A Madagascar, la culture héritée de génération en génération exerce une influence sur la santé, sur les
croyances de la maladie et sur le mode de soins à admettre. Depuis son existence et pour les soins de
santé, la population malagasy a approuvé cette culture sous diverses formes de pratique. Selon des
études effectuées, même si les thérapies culturelles sous diverses formes et incluant la médecine
traditionnelle jouent un rôle important dans le traitement ou soulagement de certaines maladies dans la
communauté, on note cependant que leur pratique irréfléchie peut engendrer d’impacts négatifs sur la
santé des hommes et le bien-être de leur famille. Les principaux problèmes concernent l’absence de
preuves cohérentes de l’innocuité et de l’efficacité, par conséquent cela doit être traité comme un
problème de santé publique [7, 8].
L’anthropologie de la santé prend en compte l’ensemble des facteurs socioculturels intervenant en
santé. Elle servira pour la compréhension des problèmes liés à la santé [4], d’où l’intérêt de mener une
étude similaire à Madagascar. Cette étude quantitative, menée dans la Région Analamanga avait pour
objectif d’identifier des pratiques culturelles sur la santé et de décrire leur perception par la population.

II- MATERIELS ET METHODE

Type d’étude : Il s’agissait d’une étude descriptive transversale menée au niveau communautaire dans la Région     Analamanga à Madagascar en novembre 2019.

Sites d’étude :

Pour la réalisation de l’étude, trois Districts de la Région Analamanga étaient sélectionnés, à savoir Andramasina, Ankazobe et Manjakandriana. Ce choix était dicté par leur emplacement géographique (Nord-Ouest, Est, et Sud respectivement) permettant une représentativité optimale de la population de la Région.

Population d’étude et échantillonnage :

L’enquête a été réalisée auprès des personnes âgées de 18 ans et plus ayant résidé au moins 15 ans dans le district d’habitation. L’ensemble de la population, des deux genres, sans distinction d’ethnie, ni d’appartenance religieuse ni de statut culturel ou social constitue la base de l’échantillonnage. La taille de l’échantillon a été fixée par la formule: n = (ε² X  p X q) / I² = 384  ε = écart réduit (pour le niveau de confiance à 95%, la valeur type est de 1,96)  La prévalence (p) des pratiques culturelles attendue a été prise à 50% et la précision souhaitée était de 0,05. La taille finale d’échantillon dans chaque District était calculée de façon proportionnelle au   nombre de population respective. Ensuite, on a divisé le nombre dans chaque District par deux pour les communes urbaine et rurale. Ainsi, pour le district d’Andramasina, 123 individus (62 pour la population urbaine et 61 pour la population rurale) étaient inclus. Pour le district d’Ankazobe, 111 individus étaient inclus (56 pour la population urbaine et 55 pour la population rurale). Enfin, pour celui de Manjakandriana, 150 individus (75 pour la population urbaine et 75 pour la population rurale) étaient choisis. En vue d’éventuel refus de participation,  la taille de l’échantillon était majorée de 5% soit de 19,2 sujets arrondis à 20 sujets à répartir dans les 3 districts. Afin que chaque unité d’échantillonnage de la population puisse avoir une chance égale d’être incluse dans l’échantillon, on a adopté l’échantillonnage aléatoire simple. La taille finale de l’échantillon était de 405 individus.

Collecte des données
Le recueil des données a été opéré par une enquête d’interview directe de la population dans leur lieu
d’habitation en utilisant un questionnaire adapté, testé et validé à partir d’un questionnaire standard de
l’OMS [9, 10, 11]. Les variables étudiées portaient sur les caractéristiques sociodémographiques
(District, type de commune, genre, âge, niveau d’instruction et occupation) la conception et pratique de
la culture face aux soins de santé (Relation socio-sanitaire entre la population et les agents de santé,
les différents types de cultures pratiquées au niveau de la communauté, et les perceptions sur la place
et l’utilité des pratiques culturelles de soin de la santé).
Analyse des données
Les données issues de l’enquête ont été traitées avec le logiciel SPSS (Statistical Package for the
Social Sciences) 20.0. L’analyse descriptive a permis d’étudier les proportions, la mesure des
moyennes et des écarts types. On a appliqué le test statistique Khi² pour la comparaison des
proportions et pour la significativité des différences entre deux états ou phénomènes.
Considérations éthiques
Les valeurs éthiques ont été respectées. Le protocole de l’étude a été préalablement validé par le
Comité d’Ethique de la Recherche Biomédicale (CERBM) et respecte les droits de l’homme en vigueur
au niveau international. Les enquêtés ont été rassurés de l’anonymat et de la confidentialité des
informations leur concernant. Avant l’enquête proprement dite, une lettre de demande de
consentement éclairé était lue, comprise et signée par chaque participant. Les mesures éthiques ont
été respectées.

III-RESULTATS

Caractéristiques socio-démographiquesN%
Age en annéeMoyenne d’âge (44,58)
GenreMasculin17944,2
Féminin22655,8
Milieu d’habitationUrbain23056,8
Rural17543,2
Niveau d’instructionPrimaire20650,9
Secondaire11327,9
Lycée et plus8120,0
Non déterminé51,2
ProfessionSecteur primaire23257,3
Secteur secondaire225,4
Secteur tertiaire194,7
autres activités13232,6
La population d’étude était constituée d’individus habitant les communes urbaines et rurales. Il y avait plus de femmes (55,8%) que d’hommes. L’âge moyen était d’environ 45 ans.
La moitié a arrêté leur étude en primaire. La majorité travaillait dans le secteur primaire 88(57,3%).
a)              Pratiques culturelles de soins de santé
 

Tableau 2 : Répartition de la population d’étude qui a adopté des pratiquent culturelles selon les communes, l’âge, le genre, le niveau d’éducation et l’occupation

N%pratiques culturelles%p
Communes<0,001
Fihaonana6014,895,0
Ankazobe5212,863,5
Ranovao399,689,7
12831,686,7
Sabotsy7618,881,6
Andramasina5012,396,0
Age (année)<0,05
< 20 ans164,062,5
20-29 ans6215,379,0
30-39 ans8922,083,1
40-49 ans8019,8 90,0
50-59 ans7618,886,8
60-69 ans5714,187,7
70 ans et plus256,2100,0
Genre>0,05
Masculin17944,284,4
Féminin226 55,886,3
Instruction
Ecole primaire20650,990,3
Ecole secondaire11327,981,4
Lycée et plus8120,079,0
Non déterminé51,280,0
Occupation<0,05
Secteur primaire23257,389,2
Secteur Secondaire225,486,4
Secteur Tertiaire194,789,5
Autres activités13232,678,0

D’après les résultats présentés dans le tableau 2, la plupart (85,4%) des interviewés font des pratiques
culturelles de soins de santé.
Les relations entre certains facteurs sociodémographiques et les pratiques culturelles de soins de
santé sont présentées dans le même tableau.
Ainsi, parmi les variables étudiées, les communes d’habitation de la population étaient associées aux
pratiques culturelles de façon très significatives (p-value < 0.001) et le pourcentage de population qui
les pratiquait variait de 63,5 à 96% selon les Communes.
L’analyse des pratiques culturelles par rapport aux classes d’âge avait montré que le taux de pratique
augmentait sensiblement avec l’âge, de 62,5% pour les moins de vingt ans à 100% pour les 70 ans et
plus, avec une association significative (p-value < 0.05). Le taux de pratique aussi bien pour les
femmes que pour les hommes sont sensiblement le même, respectivement de 86,30% et de 84,40%
mais l’association n’était pas significative (p = 0,585). Une association significative, à p=0,043, a été
également observée entre le niveau d’instruction et les pratiques culturelles, le taux de pratique
variait sensiblement et inversement avec le niveau d’instruction, de 90,3% pour les sujets de niveau
primaire à 79% pour ceux qui ont atteint le niveau lycée ou plus. Enfin, l’association significative avec

le caractère social « Occupation » (p-value < 0.05) a été aussi remarquable, pour les trois secteurs
d’activités (primaire, secondaire et tertiaire), les taux de pratique étaient respectivement de 89,2%,
86,4% et 89,5%.

Tableau 3: Répartition des caractéristiques culturelles effectuées par la population d’étude

Cultures pratiquéesOUI N(%)NON N(%)
Thérapie spirituelle religieuse (N=405)301(74,3)104(27,5)
Praticien traditionnel (N=405)215(53,1)190(46,9)
Automédication (N=405)211(52,1194(47,9)
Plantes médicinales (N=405)182(44,9)223(55,1)
Tabous (N=405)132(32,6)273(67,4)
Talisman (N=405)75(18,5)330(81,5)


Ce tableau 3 présente les principaux types de pratiques culturelles analysés dans la présente étude.

Elles concernent :

  • la thérapie spirituelle religieuse, pratiquée par les trois quart (74,3%) des sujets enquêtés;
  • les consultations d’un praticien traditionnel, pratiquée par les 53,1% des sujets ;
  • l’automédication, pratiqué par plus de la moitié (52,1%) des sujets;
  • les soins de santé utilisant des plantes médicinales, pratiqués par les 44,9% des sujets ; le tabou,
    pratiqué par 32,6% des enquêtés; et enfin l’utilisation de fétiches ou talisman, pratiquée par près de 20% de la population d’étude.

Tableau 4: Relation entre les caractères sociodémographiques et les types de pratiques culturelles.

Caractéristiques sociodémographiquesN%p
Pratique de guérison spirituelle religieuse en fonction du genre  >0,05
 Masculin12770,9 
 féminin17477,0 
 Total30174,3 
Consultation d’un tradipraticien selon le Type de commune  <0,001
 Commune urbaine (n=230)14060,9 
 Commune rurale (n=175)7542,9 
 Total (n=405)21553,1 
Pratique de l’automédication en fonction de l’âge en année  <0,05
 15-19 ans (n=16)1275,0 
 20-29  ans (n=62)3658,1 
 30-39 ans (n=89)4853,9 
 40-49 ans (n=80)4455,0 
 50-59 ans (n=76)3140,8 
 60-69 ans (n=57)3256,1 
 70 ans et plus (n=25)832,0 
 Total (n=405)21152,1 
Utilisation  de plantes médicinales selon le Niveau d’instruction  <0,001
 Primaire (n=206)11656,3 
 Ecole secondaire (n=113)4338,1 
 Lycée et plus (n=81)2125,9 
 Non déterminé (n=5)240,0 
 Total (n=405)18244,9 
Pratique de tabou en fonction de l’Occupation  >0,05
 Secteur primaire (n=232)8134,9 
 Secteur Secondaire (n=22)1045,5 
 Secteur Tertiaire (n=19)842,1 
 Autres activités (n=132)3325,0 
 Total (n=405)13232,6 
Utilisation de fétiches par  District   
 Ankazobe (n=112)3329,5 
 Manjakandriana (n=167)3219,2 
 Andramasina (n=126)107,9 
 Total (n=405)7518,5 

Figurés dans le tableau 4, certains facteurs sociodémographiques sur la population d’étude ont été
étudiés vis-à-vis des modes de pratiques culturelles.
Ainsi,
 l’association entre la pratique de guérison spirituelle religieuse et la variable genre n’est pas
significative (p> 0.05), 70,9% pour les hommes et 77,0% pour les femmes.
 la pratique culturelle par la consultation d’un tradipraticien selon le type de la Commune
d’habitation a été rapportée : le taux de pratique a été un peu plus élevé (60,9%) chez la population
urbaine que celle de rurale. L’association a été très significative (p<0,001).
 Pour la pratique de l’automédication : les individus les moins âgés sont les plus pratiquants
(75,0%), tandis que les 70 ans et plus (32,0%) sont moins pratiquants. L’association est significative
(p< 0.05).
 l’utilisation de plantes médicinales selon le niveau d’instruction montre que la relation est
inversement proportionnelle allant de 56,3% pour les sujets de niveau primaire à 25,9% pour ceux de
lycée et plus. L’association était très significative (p< 0,001).
 la pratique de la thérapie avec le tabou en fonction du type de profession de la population a
montré que les individus du secteur secondaire étaient les plus pratiquants (45,5%) mais l’association
n’était pas significative (p>0,05).
 Et finalement, la distribution des sujets utilisant de fétiches pour les soins de santé au niveau
des Districts d’étude montre que les individus du District d’Ankazobe (29,5%) sont les plus utilisateurs
d’amulettes pour les soins de santé par rapport à ceux d’Andramasina (7,9%). L’association est très
significative (p=0,000).

Perception de la population sur la thérapie culturelle
Concernant la perception de la population sur la thérapie culturelle (Tableau 5), presque le trois quart
(74,1%) de la population étudiée avait rapporté que cette pratique culturelle est nécessaire.
L’association entre cette perception de nécessité des pratiques culturelles et le type de la Commune
était très significative (p<0,001), la population rurale l’utilisait plus que celle urbaine (81,7% contre
68,3% respectivement).
Évaluée en fonction de l’âge, les résultats ont montré que la proportion de répondants admettant la
nécessité des pratiques culturelles était plus élevée chez les plus de 70ans contre 68,8% de la classe
d’âge de 15-19 ans mais l’association n’était pas significative (p=0,92). Selon le genre, 74,9% des
individus masculins et 73,5% de ceux féminin ont été pour cette affirmation, l’association n’était pas
significative (p>0,05). Selon le niveau d’éducation, 67,9% des individus du groupe « Lycée et plus » et
80% de celui de « Non déterminé » étaient
pour cette déclaration, mais la différence d’association n’était pas significative. Enfin, parmi les
travailleurs, le taux de réponse est sensiblement le même pour cette option, respectivement 77,6% et
77,3% pour le secteur primaire et celui du secondaire (p<0,05).

Tableau 5: Relation entre perception de la thérapie culturelle et caractères sociodémographiques

 N%p
Type de Commune  <0,001
Commune urbaine (n=230)15768,3 
Commune rurale (n=175)14381,7 
Total (n=405)30074,1 
Genre  >0,05
Masculin (n=179)13474,9 
Féminin (n=226)16673,5 
Total (n=405)30074,1 
Age en année  >0,05
15-19 ans (n=16)1168,8 
20-29  ans (n=62)4471,0 
30-39 ans (n=89)6775,3 
40-49 ans (n=80)6075,0 
50-59 ans (n=76)5369,7 
60-69 ans (n=57)4477,2 
70 ans et plus (n=175)2184,0 
Total (n=405)30074,1 
Instruction  >0,05
Primaire (n=206)159159 
Ecole secondaire (n=113)8282 
Lycée et plus (n=81)5555 
Non déterminé (n=5)44 
Total (n=405)300300 
Occupation  <0,05
Secteur primaire (n=232)18077,6 
Secteur Secondaire (n=22)1777,3 
Secteur Tertiaire (n=19)1473,7 
Autres activités (n=132)8967,4 
Total (n=405)30074,1 

En outre, il a été rapporté par 47,2% de la population d’étude que ce genre de pratique de soins de santé est assimilable aux soins de la médecine conventionnelle. Le taux de réponses le plus élevé était enregistré chez les répondants de la Commune de Ranovao (92,3%), de la
Commune rurale (55,4%), de la classe d’âge de 40-49 ans (56,3%) et chez les travailleurs du Secteur
primaire (48,3%) sans différence significative (Tableau 6).

Tableau 6 : Compatibilité de la thérapie culturelle avec celle moderne :

 N%p
Nom de la Commune  <0,001
Fihaonana (n=60)3050,0 
Ankazobe (n=52)3159,6 
Ranovao (n=39)3692,3 
Manjakandriana (n=128)4938,3 
Sabotsy (n=76)3140,8 
Andramasina (n=50)1428,0 
Type de la Commune  <0,01
Commune urbaine (n=230)9440,9 
Commune rurale (n=175)9755,4 
Age en année  >0,05
15-19 ans (n=16)637,5 
20-29 ans (n=62)3353,2 
30-39 ans (n=89)4146,1 
40-49 ans (n=80)4556,3 
50-59 ans (n=76)3140,8 
60-69 ans (n=57)2747,4 
70 ans et plus (n=25)832,0 
Instruction  >0,05
Primaire (n=206)9948,3 
Ecole secondaire (n=113)4945,5 
Lycée et plus (n=81)4047,4 
Non déterminé (n=5)345,5 
Occupation  >0,05
Secteur primaire (n=232)11248,3 
Secteur Secondaire (n=22)1045,5 
Secteur Tertiaire (n=19)947,4 
Autres activités (n=132)6045,5 
Total (n=405)19147,2 

DISCUSSION La présente étude menée dans la Région Analamanga avait pour objectif d’identifier des pratiques culturelles sur la santé et de décrire la perception de la population sur ces pratiques. Ainsi, la discussion se porte sur trois facteurs : que sont la situation sociodémographique, les pratiques culturelles effectuées et la perception de la population sur la nécessité et la place de la thérapie culturelle.

Situation sociodémographique:
Enquête sur les variables sociodémographiques de cette étude montre qu’au moins 400 sujets devraient
être recrutés pour pouvoir estimer un taux de 50% avec un intervalle de confiance à 95 % et une précision de
5%. La taille finale de la population étudiée étant de 405 et que la population urbaine était plus nombreuse

que celle de rurale. L’écart de l’âge de la population d’étude était de 18ans à 79ans. Concernant le niveau d’instruction, les sujets de niveau primaire prédominent devant le niveau secondaire et le niveau lycée et plus. Pour la profession, les travailleurs du secteur primaires sont les plus nombreux.

Pratiques culturelles effectuées :
Face aux facteurs socioculturels, économiques et infrastructurels, les populations ont recours aux pratiques
culturelles de façon exclusive ou en complément de la médecine moderne. Ce qui rejoint les résultats d’une étude similaire menée au Togo, mentionnant que ceci se fait par l’engouement et l’admiration que les populations vouent pour la médecine traditionnelle [12]. Une enquête similaire menée à Ankazobe et à Brickaville a également montré que l’automédication était parmi l’itinéraire thérapeutique de la majorité de la population [13]. Pour cette étude, les individus âgés sont plus conservateurs de la tradition tandis que les jeunes qui ont plus de curiosité et d’expérimentation adoptent la modernité.

Utilisation des plantes médicinales :
L’utilisation de remèdes traditionnels à partir des plantes médicinales a été bien marquée dans la vie des
Malagasy notamment au niveau rural. Cela peut s’expliquer par la praticité et la proximité thérapeutique
traditionnelle. Une étude menée à la Martinique en 2015 pour le recours aux plantes médicinales a montré que 92,5% des patients interrogés ont répondu avoir utilisé de plantes médicinales locales au moins une fois dans leur vie. Les divers motifs de consultations concernent la grippe, les problèmes digestifs, la fièvre, ou autres maladies chroniques [14].

Soin avec de tradipraticien :
Le fait de consulter un tradipraticien constitue un des procédés de la pratique culturelle de guérison.
Ces tradithérapeutes sont plus accessibles et parfois considérés comme des divins dans la communauté. Le résultat d’une étude intitulée : « La place et les pratiques des devins-guérisseurs dans le sud-est de Madagascar », montre que les devins-guérisseurs, à titre d’exemple, occupent une place centrale au côté des chefs de communauté [15].

Aussi, une autre étude effectuée en Tunisie révèle que 12,6 % des 373 personnes interrogées avaient déjà
consulté au moins une fois un tradipraticien pour raison d’absence de solution médicale, d’insatisfaction par la prise en charge médicale et du coût élevé du traitement médical [16].
− Pratique de l’automédication :
Parallèlement aux soins traditionnels sous diverses formes, l’automédication qui s’expliquerait également par des facteurs culturels, est pratiquée par nos sujets d’études. La raison, à part les facteurs économiques, est que le concerné adopte cette pratique le plus souvent de sa seule initiative et sous un fort effet « diplôme ».
Une étude menée en 2002-2003 en France montre que les personnes ayant un niveau baccalauréat+ 2 ou supérieur ont un recours significativement plus fréquent à l’automédication [17]. La littérature rapporte également que le taux de prévalence de la pratique de l’automédication sur 666 interrogés est de 60%par une étude menée à la Réunion en 2013-2014 [18].

Pratique du tabou :
Une des modes culturelles, optée pour bon nombre des gens, concerne le tabou. Les Malagasy y attachent,
dans la vie sociétale, une valeur hautement significative. La peur de rencontrer des répercussions morbides
ou mortelles pour le non-respect des règles prescrites par les ancêtres expliquerait la considération
continuelle de cette pratique traditionnelle [19].

Utilisation de talismans :
L’utilisation des talismans a été également évoquée pour le traitement et soin du corps, notamment en cas
des maladies considérées surnaturelles, provoquées ou maléfiques. Les plus éduqués auraient tendance à
perdre peu à peu sa valeur du fait de leurs connaissances compatible avec le progrès de la science. On les
utilise avec l’invocation des esprits de toutes sortes et parfois sous prescriptions des guérisseurs. Selon
Pietro Lupo, les « sampy et ody » genre de talisman malagasy constituent d’objets considérés comme
réceptacles d’énergies sacrées et ayant une fonction protectrice ou guérisseuse [20]. La situation au Sénégal
mentionne que la confection d’amulettes est une pratique ancienne, destinée à guérir ou à protéger leurs
propriétaires [21].

La pratique de la thérapie religieuse :
Enfin, la thérapie spirituelle religieuse, adoptée pour le trois quart des sujets et bien pratiquée dans les trois
Districts d’étude, peut être utilisée seule ou parallèlement avec le soin conventionnel. Le praticien n’a pas
besoin d’avoir aucune notion médicale mais plutôt de suivre et respecter avec foi la prescription et le
principe de l’Eglise que ce soit pour une simple prière que pour une pratique de l’exorcisme. Il est mentionné
dans la littérature qu’ il y a un lien entre la foi et la guérison depuis la fondation du christianisme, et que ce

lien organique se développe notamment en Afrique [22]. Aussi, concernant la foi musulmane, il est indiqué
dans la guérison coranique que le saint Prophète déclara que le Coran était la meilleure médecine [23].

Perception de la population sur la nécessité et la place de la thérapie culturelle:
Bon nombre des sujets atteste que la pratique culturelle est nécessaire pour le soin du corps et la santé, ceci
peut être expliqué par le fait qu’ils peuvent y recourir puisque les facteurs géographiques et pécuniaires
constituent le plus souvent des obstacles à l’accès aux soins conventionnels. La littérature montre par
exemple que des femmes enceintes ont large recours aux matrones traditionnelles puisque leurs services ont
un très faible coût, voire sont gratuits [24]. Une autre étude effectuée en Afrique montre que 29,45% des
enquêtés «usagers» ont déclaré être attirés par la médecine traditionnelle vis-à-vis de son efficacité [12].
Egalement, près de la moitié de la population d’étude affirme que la pratique culturelle est compatible avec la médecine moderne. Cela peut être une affirmation gratuite, puisqu’on n’a pas de preuve scientifiquement valable. Une partie de la population est, d’une part, inconsciente de la limite et l’incidence éventuelle de la
pratique culturelle et d’autre part, elle devrait être obligée par les obstacles socio-économiques et culturels.
Une étude révèle, en guise d’exemple concernant les soins, que la confiance des populations dans les
médicaments traditionnels est liée à leur présomption d’innocuité et aussi au fait que géographiquement et
financièrement ils sont plus accessibles. Ces médicaments sont perçus comme sûr parce qu’ils sont d’origine
naturelle. Cette fausse perception d’innocuité a été démasquée par plusieurs études [22].

CONCLUSION
Les pratiques culturelles jouent encore un rôle important pour la santé de la population Malagasy. Dans cette
étude, nous avions trouvé que la plupart (85,4%) de la population, notamment les sujets âgés, effectuent la
thérapie culturelle de façon exclusive ou en
complément avec la médecine moderne. On a pu d’ailleurs constater que divers modes de pratique ont été
rapportés par les participants à l’étude. L’utilisation des plantes médicinales était pratiquée notamment chez
les sujets du niveau d’étude primaire. La consultation d’un tradithérapeute, était courante par la moitié des
participants surtout dans les milieux urbains.
La pratique de l’automédication, faite également par la moitié des gens au niveau des districts sanitaires. Le
respect du tabou se pratique pour le tiers des sujets d’étude.
L’utilisation des talismans, représentés par des objets magiques à visée protecteurs et adoptés pour la
cinquième de la population d’étude ; et enfin la pratique de la thérapie spirituelle religieuse est élevée selon
le niveau d’instruction.
Pour les perceptions de la population vis-à-vis de la thérapie culturelle, la plupart de la population y est
favorable et atteste la nécessité de cette pratique pour le soin et la protection de la santé. Aussi, près de la
moitié des sujets d’étude quel que soit leur niveau d’instruction, trouve que cette thérapie typiquement locale
est compatible avec la médecine moderne.
Les Malagasy attribuent une valeur significative à la culture pour les soins de santé. Certains ignorent ou
mésestiment les conséquences néfastes possibles de ces pratiques culturelles. L’encadrement des
thérapeutiques culturelles et des tradipraticiens seraient nécessaires pour limiter ces inconvénients.

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